WERNER BUTTNER       Kunstforum, janvier 2012   (deutsche Version unten)


 
« Seul celui qui se sent étranger dans ce monde peut éprouver un étonnement productif »


Werner Büttner est à la fois peintre, lithographe, sculpteur et poète. Au milieu des années 1970 il s'intéresse à l'art en autodidacte. Il réalise, en coopération avec Georg Herold, Hubert Kiecol, Martin Kippenberger et Albert Oehlen, des projets et des expositions jusque dans les années 1990. Dans  ses diverses déclarations médiatiques, Büttner commente les évènements de l'actualité avec scepticisme et ironie. La base de son travail comprend  de nombreuses sources variées comme la littérature par exemple. Dans cette perspective on mentionne surtout l'intérêt de Büttner  pour les travaux de Baltasar Gracian, Michel de Montaigne, François Rabelais et Jonathan Swift. Son attention se porte, entre autres, sur les aphorismes qu'il oppose comme des vestiges d'illusions à la réalité d'aujourd'hui.


Oliver Zybok : ces derniers temps on entend encore et toujours les mêmes critiques, l'ironie serait dépassée, car, de par son ambigüité, elle voilerait les problèmes au lieu de vraiment les aborder. C'est surtout dans le post moderne que l'ironie est vivement critiquée car on n'a jamais vraiment compris s'il s'agissait d'une simple remise en cause, ou de la prédominance de l'ignorance. L'humour aurait donc été mis au premier plan selon la devise : l'important c'est d'avoir bien ri (rigolé). Qu'elle est ta position vis-à-vis d'une telle critique ? Est-ce-que l'ironie et l'humour ne sont pas à la base de l'art ?
Werner Büttner : l'ironie n'est pas un phénomène de mode, mais plutôt un instrument respectable et dur de l'esthétique. On ne va pas aller reprocher l'ambigüité et le ridicule dans les pièces d'Aristophane ou dans l'Éloge de la folie (1509). L'ironie prend une très grande distance vis-à-vis de l'objet traité, elle est le moyen stylistique de rendre productif ce qui est éloigné. Seul celui qui se sent étranger au monde peut s'étonner de façon productive. Celui qui est proche, impliqué, en accord, ne peut avoir, ni un esprit ouvert, ni une oeuvre tranchante. Et après la mort du Dieu et la démystification du monde, on ne peut imaginer et justifier qu'une existence ironique et esthétique.


Tu es né à Jena et tu as pris régulièrement comme thème de tes travaux ton pays d'origine, la DDR et sa situation politique, je cite par exemple le cycle de peintures « Die Russiche Revolution ? vom Hörensagen und in öl »[1](1985).  Ce sont toujours des débats politiques qui apparaissent. Tu as dédié la série « Schrecken der Demokratie »[2] sur papier au champ élargi de la démocratie. Comme dans beaucoup d?autres ?uvres, le texte fait partie intégrante des images. Quel a été le déclencheur de cette série apparue entre 1978 et l'an 2000 et qui comprend plusieurs centaines de pages ?
« La révolution russe ? du ouï-dire et à l'huile » (1985) porte un titre qui est un démenti en soi. Ce n'est pas un débat politico-historique, mais le traitement libre d'un mythe des temps modernes, un grand sujet joliment contradictoire. J'ai eu également l'opportunité de travailler à des séries. Même chose pour la série « Schrecken der Demokratie », connu également sous le nom «  Desastres de la Democracia », une révérence à mon collègue Goya. Sur ces pages je grommelais à propos de ceci ou cela et parfois à propos du grand Tout. L'art politique prend effectivement parti et exprime des intérêts. Mais les intérêts sont difficiles à peindre sur huile. La « Condition Humaine »[3], elle, se laisse peindre. Elle ne montre pas des membres du parti mais des rejetés avec une touche personnelle. C'est juste comme ça.

Quelques initiatives, comme « Einrichtung einer Samenbank für DDR-Flüchtlinge »
[4] (1980) avec Georg Herold et Albert Oehlen, ou des publications intitulées « Jenseits konstanter Bemühungen im braven Erflog »[5]  (1979) , ou bien « Facharbeiterficken »[6] (1982)  semblent banales au premier abord. Là-dessus, tu as choisi des images, comme des feux rouges, des parcours de mini golf, des bottes de soldat des saucisses au curry, des cabines téléphoniques détruites (etc.) qui mettent un certain humour au premier plan. S'agit-il là de mettre en évidence la diversité du banal ?
Je trouve que « Facharbeiterficken » est un néologisme charmant dans un monde qui autrefois (1982) commençait à gagner plus d'argent avec le sexe qu'avec de la nourriture. L'autre titre prend ses distances d'un succès brave, toléré, devenant ainsi une promesse énergique d'adolescent. La « Viefalt des Banalen »[7] est reproduite dans les magazines et à la télé. Je parlerais plutôt de « unerhabenen Sujets »[8]. Les sujets élevés nous ont malheureusement quittés. On ne peut plus berner les gens en parlant de dieux, de nus ou de nature vierge. Jonathan Swift, grand et éminent ironiste, avait un credo triomphant : « Vive la bagatelle »[9]. À ce sujet il y a certainement encore quelque chose de beau, de vrai et de justifiable à découvrir.


Tu es également un grand admirateur de François Raberlais. Lesquelles de ses oeuvres t'ont influencé ?
Son cycle de romans Gargantua et Pantagruel (1532-1564) est selon Michail M. Bachtin l'oeuvre littéraire la plus intrépide du monde. Grâce à ce livre j'ai appris que la « Popanzdepotenzierung » est une valeur haute.


Qu'entend-on par là ?
Au bon moment, au bon endroit se moquer des autorités, des certitudes, de ce qui dérange.


Ton tableau « Alter Trick »[10] est un bon tableau, une bonne blague ou les deux ?
« Alter Trick »  est d'abord un tableau avec un sujet traditionnel : celui de la créature torturée. Depuis que l?homme a réussi à apprivoiser une partie de la faune, le pâtre s'acharne contre ceux dont il a la garde. Depuis la découverte des bottes en caoutchouc, ce comportement très discutable est devenu plus simple techniquement. On place les pattes arrière de l?animal dans des bottes en caoutchouc et on le rend incapable de bouger. Et là, on peut le pénétrer. Voilà pour ce qui concerne le contenu. Il est formellement projeté sur la toile à la  manière « alla-prima ». Je n'ai jamais, en tant qu'arrogant, apprécié de gâcher des après-midis entiers devant l'écran. Cela me semblait peu viril en quelque sorte. Je ne peux ni ne veux être plus précis. « Alter Trick » n?est donc pas un « bon » tableau peint avec amour. C?est en premier lieu geste et déclaration, les calmants habituels en ces temps agités et nerveux.


En comparaison, «À la recherche de l?amour dans la bibliothèque d'une ville fantôme » semble beaucoup plus mélancolique.
Mélancolique ? Je dirais plutôt que c?est du scepticisme enveloppé de façon poétique avec un brin de fatalisme.


Dans quelle mesure ?
Une jeune fille, qui a été obligée de porter des fringues ridicules, cherche l'amour avec un drapeau au lieu d'une torche, dans la bibliothèque d'une ville fantôme. Peut-on imaginer quelque chose de plus fatal et inimaginable?


Tu viens de prononcer le mot-clé « peu viril ». On t'a attribué, à toi et à tes complices, un chauvinisme récurent : vous auriez, de toutes vos forces, réclamé la peinture en tant que domaine masculin. S?agit-il de «  paroles vides de féministes frustrées » ou y-a-t-il dans cette critique un fond de vérité ?
Question impolie et venimeuse ! Je n'ai jamais croisé le chemin d'une féministe frustrée. Il y en a probablement et, dans ce cas, en faible quantité. Le reproche est venu d'hommes qui ne savaient pas chanter aussi bien et aussi fort que nous. Ce qui est vrai, c'est que nous sommes devenus parfois un peu grossiers, pour nous soustraire à la dictature du politiquement correct


Comment doit-on interpréter les oeuvres « So ist es aber : kleiner Hängebusen voller Fingerabdrücke und verscheniter VW »[11] (1982)  ou « Meine Frau liest! Und Deine?»[12] (1993)?
La série « So ist es aber : kleiner Hängebusen voller Fingerabdrücke und verscheniter VW » loue l'égalité des chances de toutes les êtres qui ne correspondent pas forcément aux idéaux de beauté conventionnels. C'est ainsi que même la petite poitrine tombante, la poitrine qui fait tapisserie, peut avoir l'opportunité de devenir porteuse d'empreintes, une déclaration optimiste et humaine. De plus, l'extension des sujets fait aussi partie de la peinture et, à ma connaissance personne n'a encore exploré ce thème. Mon ami Harald Falckenberg me fait remarquer, que l?éminent collègue Gerhard Rühm s'était aussi occupé, de façon affectueuse, du thème de la poitrine tombante dans son travail de photos. Je peux donc réclamer l'exclusivité de la poitrine tombante mais dans la peinture seulement. Le tableau « Meine Frau liest! Und Deine ?» pose une question impolie à laquelle, par politesse, on ne répond pas si on est intelligent et qui marque le souvenir par sa dose de perfidie. Une nouvelle trace de parfum sur ordinateur.


Comment décrirais-tu le caractère de tes querelles dans les années 70 et 80 ?
Kippenberger appelait cela « être malin, participer». Pas mal, un euphémisme dépourvu de pathos. Une partie de la jeunesse fut à cette époque prise par une rage que l?on peut attribuer au silence sur la dictature nazie. La musique et les arts plastiques furent frappés le plus durement. C'est là que le des amateurs téméraires furent emportés par le canon. Animés d'une souveraineté due à la faute des vieux, ils frappèrent l'apparition du nouveau. Certains prirent la « Wumme » et furent punis. D'autres crièrent « retour au béton». D'autres encore dirent « non, merci» à ceci ou cela. Beaucoup se contentèrent de « tranquillisants » venant d'Amsterdam. La petite famille, l'obéissance à l'autorité et l'université de Humboldt furent irréparablement endommagées. Siezen fut aussi soupçonné. Ma querelle ? Et bien, ce que je voulais, c'était être entendu, être vu et coucher avec les bons.


Tu as étudié le droit pendant quelques semestres à l'Université Libre de Berlin au début des années 70. Durant cette époque tu dénonces la deuxième loi sur l'assistance maladie  de 1971  et le détournement de la loi dans l'affaire Horst Mahlers dans une conférence. Ta protestation fut jugée irrecevable et ton travail de séminaire ne fut pas particulièrement noté avec bienveillance. Ce sont des idées empreintes d'idéalisme qui t'ont poussé à entreprendre ces études ?
L'homme, s'il n'a pas le c'ur dur, tend à l'enthousiasme et à l'idéalisme dans sa jeunesse. Une mauvaise note au baccalauréat et la croyance trompeuse que les études de droit pourraient être la philosophie qui amènerait de l'ordre dans la communauté, ont fait que j'ai voulu en tâter. Avec l'aide des professeurs et de cinq mille camarades d'études, issus de dynasties de juristes, je suis devenu un « hors la loi » convaincu. Puis je fus arrêté. En prison en tant qu'assistant social, je fis la connaissance des secrets des blessés. Je me retrouvai alors à la rue, avec toutes mes convictions  et sans aucun diplôme final.


La manière de penser du juriste a-t-elle influencé tes futurs conflits artistiques ?
La pensée du juriste s'applique à un langage précis, je dirais même en partie poétique, contrairement à ce que l'on croit habituellement. Prenons le mot « Körperverletzer »[13] par exemple. Une création pertinente et imagée. Ou bien cette phrase de la Cour des Finances : « le redevable a le droit de régler ses conditions de façon aussi désavantageuse que possible ». Dans ce genre de phrase se révèle toute la grandeur de la liberté et de la dignité qui nous sont octroyées. Et cela restera une partie de mes thèmes.


Tu te décris comme autodidacte. Albert Oehlen t'a poussé vers l'art. Vous avez fondé ensemble la « Liga zur Bekämpfung des widersprüchlichen Verhaltens »[14]. Ce fut le début d'une série d?actions et de projets concordés ensemble, auxquels ont participé Martin Kippenberger, Georg Herold et Hubert Kiecol,  entre autres. Quel a été le déclencheur de la fondation de cette ligue ?
Albert  Oehlen me montra ses dessins et me dit : « tu n'en es pas capable », qu'il voulut me provoquer ou me faire peur, n'a aucune importance. On ne dit pas ces choses à un ambitieux sans qu'il y ait des conséquences. La fondation de la ligue était une caractéristique  de la soi-disant avant-garde. On proclame haut et fort l'existence de boîtes à lettres d'entreprises intellectuelles et on attend lubriquement de voir ce qui se passe.


Depuis 1989 tu enseignes la peinture à la HFBK de Hambourg, tu es donc fonctionnaire comme tu le fais constamment remarquer. Quel décalage d?intérêt as-tu pu remarquer chez les étudiants en comparaison à tes débuts dans les années 1970 ?
Ils ont des rapports  plus polis et humains entre eux. Ils ne cherchent pas le chemin de l'extrême. Ils se permettent moins d'ennemis. Ils évitent l'idéologie. Ils ont donc dit « au revoir » au comportement de l'avant-garde historique.


Ton travail artistique n'est pas limité dans le choix des médiums tu es peintre, dessinateur, sculpteur, photographe, plasticien et poète. Tu as publié en 2009 le recueil de poèmes « Lohn des Schweigens »[15]. Quelle signification a cet écrit dans le contexte du reste de ton oeuvre artistique ?
Ecrire c'est peindre sans la mauvaise odeur de la peinture. Avec un minimum d'engagement physique et peu de perte en calories. Propre et complémentaire.


Tes collages ont eu jusqueà aujourdehui une place prépondérante dans ton oeuvre. Quels modèles choisis tu pour leur réalisation et pourquoi ?
La vie quotidienne inonde suffisamment ma piaule d'idioties écrites. Je découpe ce que le coeur, le cerveau ou bien l'oeil a identifié comme remarquable et le dépose quelque part. Le talent, l'expérience et d'autres qualités imprévisibles font que les doigts forment ensuite à un tout cohérent. La colle est le dernier coopérateur.


Quelles sont les possibilités que ce medium permet de réaliser, par rapport aux autres formes d'expression ?
Le collage te surprend plus qu'un dessin fantaisiste. Tu déplaces des images découpées ci et là, jusqu'à obtenir un résultat où tu te dis ; « waouh, ça, ce n'était pas prévisible ». Car ta propre fantaisie est prévisible, finale, limitée. Mais quand tu travailles avec la  fantaisie des autres, tu augmentes les possibilités jusqu'à arriver à un résultat étonnant. Tu peux surmonter tes limites et progresser. N'est-ce pas séduisant ?


Cela ressemble un peu à une « auto-illusion », illusion dont les mesures connues sont à la fois belles et dangereuses car sa répercussion sur les deux pôles ne sont pas prévisibles. En ce qui concerne « l'imprévisibilité » dont tu parles dans le processus de collage, il me vient à l'esprit que, depuis le milieu des années 1990 à peu près, tes tableaux donnent une impression de fragmentation, que les motifs sont assemblés comme dans un collage. Je pense par exemple au « Der Blick durch den Käse »[16] (2004). Les mondes imagés sont beaucoup plus abstraits et montrent un caractère plutôt surréaliste en comparaison à tes oeuvres plus anciennes. Tes premiers collages datent des années 2000 environ. Avais-tu essayé avant d'inclure ou de chercher cet aspect  de l'« imprévisibilité » dans tes tableaux ?
« Auto-Illusion » est une parole hideuse et pleine de reproches. Il s'agit là de techniques de dépassement de soi, en dernier ressort de révélations : se droguer et danser jusqu'à tomber en transe sont des anciennes méthodes, l'écriture automatique des surréalistes et le collage par exemple sont relativement nouvelles. Avec ces techniques et dans de bonnes circonstances, on réussit à produire des images et des messages qui semblent provenir du OFF. Et l'humanité veut des messages venant du OFF. Elle ne s'est jamais sentie satisfaite des messages venant du ON. Au début c'était une recherche d'élargissement du sujet (« Mutwillig zerstörte Telefonzellen »[17], 1982) et « Der Blick durch den Käse  » est l'état d'âme du bilan d'un quinquagénaire avec l'aide de l'«imprévisibilité » du collage. Mais la devise dans son ensemble était toujours « penser de façon pittoresque».


Comment formulerais-tu un bilan aujourd'hui avec des mots ?
Statistiquement il me reste encore 25 années - donc assez de temps pour corriger et compléter, assez de temps pour préciser mon ressenti de la vie et le transmettre, de façon accessible, avec des mots, des images, et de l'argile.



Entretien avec Oliver Zybok, traduction de l'allemand par Nelly Vicich
_______________________________________________________________

[1]
    « La révolution russe ? du ouï-dire et à l'huile »
[2]
    « Désastre de la démocratie »
[3]
     en français dans le texte
[4]
   « La constitution d'une banque du sperme pour les réfugiés de la DDR »
[5]
   « Au-delà des efforts constants pour un brave succès »
[6]
   « Baiser les ouvriers spécialisés »
[7]
    « La diversité du banal »
[8]
    « sujets peu élevés »
[9]
    en français dans le texte
[10]
  « Vieux truc »
[11]
  « Il en est ainsi : petites poitrines tombantes pleines d'empreintes etde VW couverts de neige »
[12]  « Ma femme lit ! Et la tienne ? »
[13]
 « Blessé physiquement »
[14]
 « Ligue de la lutte des comportements contradictoires »
[15]
 « Salaire du silence »
[16]
  « Regard à travers le formage »
[17]
  « Cabines téléphoniques détruites délibérément »


 



Werner Büttner

Nur wer sich fremd fühlt in der Welt, kann produktiv staunen?

Werner Büttner ist Maler, Grafiker, Bildhauer und Poet. Mitte der 1970er Jahre kam er als Autodidakt zur Kunst. In wechselnden Kooperationen realisierte er zusammen mit Georg Herold, Hubert Kiecol, Martin Kippenberger und Albert Oehlen bis in die 1990er Jahre hinein Projekte und Ausstellungen. In seinen vielfältigen medialen Äußerungen reagiert Büttner skeptisch-ironisch auf Geschehnisse der Gegenwart. Grundlage seiner Arbeit sind zahlreiche Quellen und Bezugsfelder, wie zum Beispiel die Literatur. In diesem Zusammenhang seien vor allem Büttners Interesse für die Werke von Baltasar Gracián, Michel de Montaigne, François Rabelais und Jonathan Swift erwähnt. Sein Augenmerk gilt dabei unter anderem Aphorismen, die er als Relikte von Illusionen der heutigen Realität gegenüberstellt.


Oliver Zybok: In den vergangenen Jahren hört man immer wieder kritische Äußerungen, die Ironie sei überholt, da sie Probleme durch ihre Zweideutigkeit nur verschleiere, aber nicht wirklich angehen würde. Vor allem der Umgang mit der Ironie in der Postmoderne wird heftig attackiert, da man nie genau wusste, ob hier nur einfach alles in Frage gestellt wurde oder Ahnungslosigkeit vorherrschte. Beliebiger Humor soll also im Vordergrund gestanden haben ? frei nach dem Motto: Hauptsache wir haben gelacht. Wie stehst Du zu derartiger Kritik? Sind Ironie und Humor nicht elementare Bestandteile der Kunst?

Werner Büttner: Ironie ist keine Modeerscheinung, sondern ein ehrwürdiges und scharfes Instrument der Ästhetik. Den Stücken des Aristophanes oder dem Lob der Torheit (1509) wird wohl niemand die Zweideutigkeiten und das innewohnende Lachen vorwerfen. Ironie hat die größte Distanz zum untersuchten Gegenstand, sie ist das Stilmittel der produktiv Entfremdeten. Nur wer sich fremd fühlt in der Welt, kann produktiv staunen. Wer zu nah dran ist, beteiligt ist, einverstanden ist, kann weder scharf sehen noch scharf darstellen. Und nach dem Tod Gottes und der Entzauberung der Welt ist wohl nur noch eine ironisch-ästhetische Existenz vorstellbar und gerechtfertigt.


Du bist in Jena geboren und hast das Land Deiner Herkunft, die DDR und die dortigen politischen Verhältnisse in gewisser Regelmäßigkeit in Deinen Arbeiten thematisiert, erwähnt sei an dieser Stelle nur der Gemälde-Zyklus Die Russische Revolution ? vom Hörensagen und in Öl (1985). Überhaupt tauchen politisch motivierte Auseinandersetzungen immer wieder auf. Dem weiten Feld der Demokratie hast Du die umfangreiche Serie Schrecken der Demokratie auf Papier gewidmet. Wie in vielen anderen Arbeiten auch ist Text hier ein wichtiger Bestandteil der Bilder. Was war der Auslöser für diese Serie, die zwischen 1978 und 2000 entstanden ist und mehrere hundert Blätter umfasst?
Die russische Revolution ? vom Hörensagen und in Öl trägt im Titel schon das Dementi. Es ist keine politisch-historische Auseinandersetzung, sondern die freie Bearbeitung eines neuzeitlichen Mythos, ein großes, hübsch kontroverses Thema. Es bot mir die Gelegenheit auch einmal seriell zu arbeiten. Gleiches galt für die Serie Schrecken der Demokratie, auch bekannt als Desastres de la Democracia, eine Verbeugung vor dem Kollegen Goya. Auf diesen Blättern nörgelte ich über dies und jenes und manchmal auch über das große Ganze. Politische Kunst nimmt ja Partei und formuliert Interessen. Interessen aber lassen sich in Öl nur schwer darstellen. Die ?Condition Humaine? dagegen lässt sich darstellen. Sie zeigt keine Parteigänger, sondern Geworfene mit persönlich erarbeiteten Aussatz. So ist es richtig.


Einige Aktionen, wie die Einrichtung einer Samenbank für DDR-Flüchtlinge (1980) mit Georg Herold und Albert Oehlen oder Publikationstitel wie Jenseits konstanter Bemühungen um braven Erfolg (1979) oder Facharbeiterficken (1982) klingen zunächst banal. Zudem hast Du Bildmotive gewählt, wie Ampeln, Minigolf-Anlagen, Militärstiefel, Currywurst, verwüstete Telefonzellen (etc.), die einen speziellen Humor in den Vordergrund stellen. Ging es Dir darum, die Vielfalt des Banalen offenzulegen?
Ich finde Facharbeiterficken ist ein charmanter Neologismus in einer Welt, die damals (1982) anfing mit Sex mehr Geld zu verdienen als mit Nahrungsmitteln. Der andere Titel distanziert sich vom braven, vom geduldeten Erfolg und war somit ein adoleszentes, forsches Versprechen. Die ?Vielfalt des Banalen? wird von Illustrierten und Fernsehen bearbeitet. Ich würde lieber von ?unerhabenen Sujets? sprechen. Die erhabenen Sujets sind ja leider von uns gegangen. Man kann niemanden mehr mit Göttern, Nackerten und jungfräulicher Natur anlügen. Jonathan Swift, ein weiterer, verehrter Ironiker, hatte ein jauchzendes Credo: ?Vive la bagatelle!? An dieser Front ist durchaus noch Schönes und Wahres und Rechtfertigendes zu entdecken.


Du bist auch ein großer Verehrer von François Rabelais. Welche Schriften von ihm haben Dich beeinflusst?
Sein Romanzyklus Gargantua und Pantagruel (1532-1564) ist laut Michail M. Bachtin das angstfreieste literarische Werk der Weltgeschichte. Anhand dieses Buches lernte ich, dass Popanzdepotenzierung ein hoher Wert ist.


Was ist damit gemeint?
Zur richtigen Zeit, an der richtigen Stelle gegen Autoritäten, Gewissheiten und nichtig Unangenehmes anlachen.

Ist Dein Gemälde
Alter Trick ein gutes Bild, ein guter Witz oder beides?
Alter Trick ist zunächst einmal ein Gemälde mit einem traditionellen Sujet: dem der gequälten Kreatur. Seit es dem Menschen gelang, Teile der Fauna zu domestizieren, vergeht sich der Hirte am Gehüteten. Seit der Erfindung der Gummistiefel ist dieses umstrittene Tun technisch einfacher geworden. Man stellt die Hinterbeine des Tieres in Gummistiefel und macht es damit bewegungsunfähig. Nun kann es penetriert werden. Soviel zum Inhalt. Formal ist es in der ?alla-prima-Manier? auf die Leinwand geschleudert. Ich habe überheblicherweise nie viel davon gehalten ganze Nachmittage vor einer Leinwand zu verfummeln. Es erschien mir irgendwie unmännlich. Deutlicher kann und möchte ich nicht werden. Alter Trick ist somit kein ?gutes?, liebevoll durchgearbeitetes Gemälde. Es ist in erster Linie Geste und Statement, die üblichen Stilmittel dieser unruhigen und nervösen Zeit. 


Da klingt Auf der Suche nach Liebe in der Bibliothek einer Geisterstadt (1981) wesentlich melancholischer.
Melancholisch? Ich würde sagen, das ist poetisch verpackter Skeptizismus mit einem Hauch Fatalismus.


Inwiefern?
Ein Mädchen, in einem offensichtlich lächerlichen, ihr aufgezwungenen Fummel, sucht mit einer Fahne anstatt mit einer Fackel nach Liebe in der Bibliothek einer Geisterstadt. Ja, ist Fataleres vorstellbar? 


Du hast eben das Stichwort ?unmännlich? gegeben. Dir und Deinen Komplizen wurde des Öfteren Chauvinismus unterstellt, ihr hättet mit aller Macht die Malerei als Domäne der Männer beansprucht. Ist die Kritik ?ein leeres Geschwätz frustrierter Feministinnen? oder hat sie doch einen wahren Kern?
Was für eine unhöfliche und vergiftete Frage! Mir ist noch nie eine frustrierte Feministin über den Weg gelaufen. Gibt es wahrscheinlich, wenn überhaupt, nur in ganz geringen Dosen oder Quoten. Der Chauvinismusvorwurf kam von Männern, die nicht so laut und so schön Singen konnten wie wir. Richtig ist, dass wir, um der Diktatur der Political Correctness eins auszuwischen, manchmal etwas derb geworden sind.


Wie darf man Arbeiten wie So ist es aber: kleiner Hängebusen voller Fingerabdrücke und verschneiter VW (1982) oder Meine Frau liest! Und Deine? (1993) deuten?
Die Serie So ist es aber: kleiner Hängebusen voller Fingerabdrücke und verschneiter VW preist die Chancengleichheit aller Lebensformen, die nicht unbedingt dem offiziellen Schönheitsideal entsprechen. Und somit hat auch der kleine Hängebusen, das Mauerblümchen der Brustformen, die Chance zum Fingerabdruckträger zu werden ? eine optimistisch-humane Aussage. Außerdem geht es in der Malerei auch um Sujet-Erweiterung, und meines Wissens hatte sich an diesem Thema noch nie jemand versucht. Mein Freund Harald Falckenberg macht mich darauf aufmerksam, dass auch der verehrte Kollege Gerhard Rühm sich in der Fotoarbeit "Ava Gardner denkt nach" liebevoll des Themas Hängebusen angenommen hatte. Ich kann den Hängebusen also nur für die Malerei exklusiv für mich reklamieren.  Das Bild Meine Frau liest! Und Deine? stellt eine unhöfliche Frage, die man intelligenterweise nicht beantwortet und perfiderweise nicht vergisst. Eine weitere Duftmarke auf PC.


Wie würdest Du die Art Deiner Auseinandersetzung in den 1970er und 80er Jahren umschreiben?
Kippenberger nannte es ?Schlau sein, dabei sein? Kein schlechtes, pathosfreies Understatement. Teile der Jugend wurden damals von einer Aufbruchswut ergriffen, die wohl dem Schweigen über die Nazidiktatur geschuldet war. Musik und bildende Kunst wurden am Heftigsten heimgesucht. Hier vergingen sich vorwitzige Dilettanten erfolgreich am Kanon. Getragen von einer Selbstherrlichkeit, die sich mit der Schuld des Alten und der Alten legitimierte, wurde Neues zum Licht geprügelt. Einige griffen zur ?Wumme? und wurden bestraft. Andere krähten: Zurück zum Beton? Wieder andere sagten ?Nein Danke!? zu diesem und jenem. Und manche begnügten sich mit Ruhigstellern aus Amsterdam. Irreparabel beschädigt wurden Kleinfamilie, Autoritätshörigkeit und Humboldt?sche Universität. Auch Siezen wurde verdächtig. Meine Auseinandersetzung? Nun, ich wollte auch nur gehört, gesehen und von den Richtigen ins Bett gebracht werden.


Du hast zu Beginn der 1970er Jahre an der FU in Berlin wenige Semester Jura studiert. In diese Zeit fällt auch eine von Dir vorgetragene Verfassungsbeschwerde gegen das zweite Krankenleistungsverbesserungsgesetz von 1971 und eine Studie über Rechtsbeugung im Fall Horst Mahlers. Dein Protest wurde als unzulässig abgelehnt und die Seminar-Arbeit auch nicht gerade wohlwollend bewertet. Waren es idealistisch geprägte Vorstellungen, die Dich zu diesem Studium bewogen haben?
Der junge Mensch, wenn er nicht hartherzig geraten ist, neigt zu Schwärmerei und Idealismus. Ein schlechter Abi-Durchschnitt und der irrige Glaube, Jura sei die das Gemeinwesen ordnende Philosophie, ließen mich da einmal reinschnuppern. Mit Hilfe der Professoren und fünftausend Kommilitonen aus Jura-Dynastien wurde ich zum überzeugten Abbrecher. Ich ging dann ins Gefängnis. In der Strafanstalt Tegel lernte ich als Sozialhelfer die Geheimnisse von Körperverletzern kennen. Danach stand ich mit voller Überzeugung und abschlusslos auf der Straße.


Hat die juristische Denkweise Deine späteren künstlerischen Auseinandersetzungen beeinflusst?
Das juristische Denken befleißigt sich, entgegen der landläufigen Meinung, einer präzisen, teilweise sogar poetischen Sprache. Nehmen wir nur das Wort ?Körperverletzer?. Eine treffende, bildlastige Schöpfung. Oder diesen Satz des Bundesfinanzhofes: ?Der Steuerpflichtige hat das Recht, seine Verhältnisse so ungünstig wie möglich zu regeln.?
In solchen Sätzen offenbart sich die Größe der uns gegönnten Freiheit und Würde. Und das wird Teil meiner Themen bleiben.


Du bezeichnest Dich selber als Autodidakten. Albert Oehlen hat Dich zur Kunst angestiftet. Ihr habt 1976 zusammen die Liga zur Bekämpfung des widersprüchlichen Verhaltens gegründet. Der Anfang einer Reihe von gemeinsam organisierten Aktionen und Projekten, an denen sich unter anderem Martin Kippenberger, Georg Herold, Hubert Kiecol beteiligten. Was war der Auslöser für die Gründung dieser Liga?
Albert Oehlen zeigte mir seine Zeichnungen und sagte: ?Das kannst Du ja nicht.? Ob er mich damit anstiften oder abschrecken wollte, ist wurscht. So etwas sagt man nicht ungestraft zu einem ehrgeizigen Menschen. Die Gründung von Ligen war ein Merkmal der sogenannten Avantgarde. Man kündet lauthals intellektuelle Briefkastenfirmen an und wartet dann lüstern, was passiert.


Du bist seit 1989 Professor für Malerei an der HFBK in Hamburg, dadurch Beamter, wie Du stets betonst. Was für eine Interessensverschiebung kannst Du bei den Studenten feststellen im Vergleich zu Deinen Anfängen in den 1970er Jahren?
Sie gehen höflicher und menschlicher miteinander um. Sie suchen nicht den Weg der Extreme. Sie gönnen sich weniger Feindbilder. Sie meiden Ideologie. Sie haben also den Verhaltensweisen der historischen Avantgarde ?Ade? gesagt.


Deine künstlerische Arbeit ist medial nicht eingeschränkt ? Du bist Maler, Grafiker, Bildhauer, Installationskünstler, Fotograf und Poet. Du hast 2009 den Gedichtband Lohn des Schweigens veröffentlicht. Welche Bedeutung hat das Schreiben im Kontext Deiner anderen künstlerischen Arbeit?
Schreiben ist Bildermachen ohne Farbgestank ? mit minimalem Körpereinsatz und wenig Kalorienverlust. Sauber und ergänzend.


Deine Collagen nehmen einen großen Platz in Deinem bisherigen ?uvre ein. Welche Vorlagen wählst Du für die Umsetzung aus und warum?
Der Alltag spült mir als medial vernetzter Mitmensch genug gedruckten Blödsinn in die Bude. Ich schneide aus, was Herz, Hirn oder Auge als bemerkenswert identifiziert haben und lege es irgendwo ab. Talent, Erfahrung und andere unberechenbare Eigenschaften sorgen dafür, dass die Finger ein stimmiges Ensemble zusammenschieben. Finaler Mitarbeiter ist der Leim.


Welche Möglichkeiten lassen sich mit diesem Medium verwirklichen, die andere Ausdrucksformen eventuell nicht bieten?
Die Collage kann dich mehr überraschen als die fantasievolle Skizze. Du schiebst ausgeschnittene Imagos hin und her, bis du ein Ergebnis hast, wo du sagst: ?Wow, das war nicht vorhersehbar. Denn deine eigene Fantasie ist vorhersehbar, endlich, bedingt. Wenn du aber mit den ausgeschnittenen Fantasien anderer arbeitest, potenzierst du die Möglichkeiten zu einem überraschenden Bildergebnis zu kommen. Du kannst deine Beschränktheit überwinden und weiter werden. Klingt das nicht verführerisch?


Das klingt ein wenig nach Selbstbetrug, der bekannter Maßen schön und gefährlich zugleich sein kann, weil seine Auswirkungen an beiden Polen eben unberechenbar bleiben. Im Hinblick auf die von Dir angesprochene ?Unvorhersehbarkeit? während des Arbeitsprozesses des Collagierens ist mir aufgefallen, dass Deine Gemälde ungefähr seit Mitte der 1990er Jahre fragmentierter wirken, motivisch ähnlich wie eine Collage aufgebaut. Ich denke da zum Beispiel an Der Blick durch den Käse (2004). Die Bildwelten sind zum Teil wesentlich abstrahierter, zeigen einen eher surrealen Charakter im Vergleich zu den älteren Werken. Deine ersten Collagen sind etwa um 2000 entstanden. Hast Du bereits vorher versucht, diesen Aspekt der ?Unvorhersehbarkeit? auch in Deinen Gemälden zu suchen bzw. einzubinden?
?Selbstbetrug? ist ein hässliches und vorwurfsvolles Wort. Es geht um Techniken der Selbstüberschreitung, letztendlich um Offenbarungen: Drogen und Tanzen bis zur Trance sind alte Methoden, das automatische Schreiben der Surrealisten und die Collage zum Beispiel relativ neue. Mit diesen Techniken gelingt es unter glücklichen Umständen Bilder und Botschaften herzustellen, die aus dem OFF zu kommen scheinen. Und die Menschheit steht auf Botschaften aus dem OFF. Sie ist mit den Botschaften aus dem ON noch nie zufrieden gewesen.
Am Anfang war es nassforsche Sujet-Erweiterung (Mutwillig zerstörte Telefonzellen, 1982) und der Blick durch den Käse ist die Bilanzstimmung eines 50-Jährigen mit Hilfe der relativen ?Unvorhersehbarkeit? der Collage. Die durchgängige Devise war aber immer: ?Malerisch Mitdenken?.


Wie würdest Du die Bilanz heute in Worte fassen?
Statistisch gesehen bleiben mir noch 25 Jahre ? Zeit genug also, um zu korrigieren und zu ergänzen, Zeit genug, um mein Lebensgefühl zu präzisieren und in Wort, Bild und Ton nachvollziehbar zu überliefern.